Dans

Afin d’essayer de ne pas être trop redondante, je vais, cette fois, vous ouvrir un peu plus l’accès aux coulisses, et vous parler de ce séjour à travers mon prisme (ce qui, selon le Larousse, signifie « voir les choses suivant des passions qui les déforment » ; vous êtes ainsi averti.e.s …).

Une vibration au poignet droit attire mon attention. Je regarde le cadran de ma montre : Appel entrant de Perrine ou de Julie (mes Référentes Pôle séjours Hauts-de-France à Siel Bleu). En quelques fractions de secondes se bousculent alors dans ma tête des images du précédent séjour et un subtil mélange d’émotions m’envahit. Je ne suis pas en pleine émulsion de ganache végétale mais en train d’ôter la fine peau des tomates que je viens de confire. Je peux donc abandonner l’ouvrage quelques minutes pour répondre à l’appel. Si je ne traîne pas, j’aurai les mains propres et pourrai répondre avant la dernière sonnerie (ou vibration en l’occurrence). 3 …, 2 …, 1 … « Oui, Allo?»…

C’est confirmé : je serai la cuisinière du prochain séjour Siel Bleu Les Maisons de la Vie en septembre… Je suis ravie à l’idée de (re)vivre cette nouvelle expérience. J’ai un peu peur aussi … Perrine, Julie et Maryline ensuite (qui complète notre formidable équipe du séjour de juin) me rassurent et m’encouragent. Leur soutien me galvanise et me donne un point d’ancrage nécessaire tout à la fois.

S’en suivront des temps d’échange pour préparer au mieux le séjour. D’un point de vue organisationnel bien sûr mais aussi pour évoquer les éventuelles contraintes et / ou problématiques alimentaires des participant.e.s au séjour (ce ne seront d’ailleurs cette fois que des participantes); ce qui guidera l’approvisionnement et ensuite les menus (vous aurez peut-être noté que l’approvisionnement vient avant les menus… Ce n’est pas une erreur de formulation de ma part mais bien un mode de fonctionnement : ce sont les produits que je trouve chez mes supers producteurs locaux qui me donnent des idées de menus et non l’inverse… Et un peu (certains diront beaucoup …) mon humeur du jour, et ce que m’inspirent les couleurs de ces beaux végétaux, qui activeront mon esprit, animeront mes mains et mettront en mouvement mon corps pour concrétiser tout ça. Et oui, ce n’est pas ce que j’ai dans la tête qui nourrira la communauté mais plutôt ce que j’aurai réussi à mettre sur la tablée; vous en conviendrez…

Nous voici donc samedi 10 septembre… Premier grand jour : celui de l’approvisionnement. Je me prépare hâtivement et enfile mon costume de Perrette ; qui en réalité, pour moi, se résume à des tote bags plutôt qu’un pot au lait, un bas de survêtement ultra confortable genre pilou pilou que le grand frère d’Amandine, au marché, prend pour un pyjama, et une veste flockée GOURMI …

Première étape : le marché de Calais Nord.

Et puisqu’on parle d’Amandine, premier arrêt au stand… Au stand familial d’Amandine Cocquet. L’étal est si beau qu’à la fois, on ne voudrait pas y toucher et à la fois, on voudrait tout prendre … Je resterai raisonnable tout de même… et prendrai, notamment, différentes variétés de radis, avec les fanes! …, (et là, j’avoue j’ai déjà ma petite idée…), du chou rave et … de la bourrache… Entre autres.

Juste à côté, en saison, Delphine, et ses délicieuses fraises Perles de Fraises de Landrethun-les-Ardres. Quelle chance d’avoir pu profiter une dernière fois, pour cette année !, de ces divines fraises (et la confiture de Delphine fait chaque fois l’unanimité en séjour). On papote un peu et je file un peu plus loin.

Côte à côte, Geoffroy (Fovet – La Ferme des Cailleuys) qui propose d’excellents fromages frais et affinés, des yaourts et des faisselles élaborés à partir du lait de ses quelques 90 brebis de race Lacaune nourries essentiellement à l’herbe; et Antoine de Le Jardin Colibri (Maraichage en agriculture biologique) dont les productions sont tout aussi excellentes. Antoine est parfois remplacé sur le marché par Edward Leroy de Au XIIème Ciel, semencier et producteur de plants, qui propose actuellement de délicieux produits tels que des pestos, confits, ratatouilles, …

C’est toujours un plaisir d’échanger avec toutes ces personnes passionnées et passionnantes, mais je ne peux pas m’éterniser. Direction le marché de Calais Saint-Pierre où je retrouve avec joie Constanza et Camille Le Jardin des Noires Terres (maraîchers bio pratiquant une agriculture très diversifiée et écologique). Et récupère ma commande. Avec entre autres, d’exceptionnelles physalis, mais aussi courgettes, concombres, persil, …). Une fois de plus, j’aimerais rester plus longtemps mais, même pendant les instants suspendus, le temps continue sa course. Et les clients affluent…

Et j’ai une autre commande à récupérer : route de Guînes, à Coulogne où m’attend Monsieur Muys avec des tomates, des tomates et encore des tomates… mais aussi des carottes, des courgettes, des potimarrons et des pommes (qui ont un vrai goût de pomme comme le soulignera plus tard Céline …).

Un complément d’approvisionnement sera effectué dans la semaine, notamment auprès de Guillaume Le Maraîcher Bio Du Russolin; ce qui nous permettra de finir la semaine avec d’autres excellents produits.

Retour à l’atelier pour soigneusement ranger toutes mes trouvailles (j’aurais pu écrire « toutes ces victuailles » mais souvenez-vous… le prisme…).

Au programme de l’après-midi, une sortie vélo… 83,77 km. Les premiers kilomètres sont funs. Un peu de cardio. J’évacue les éventuelles tensions de la semaine écoulée afin d’arriver dans les meilleures dispositions ; et disponibilité ! mentales possible au séjour. Mon objectif : être entièrement là, avec et pour les participantes, être dans l’instant présent, sans énergie négative et pouvoir leur offrir le meilleur de moi-même. Passé un stade (pour moi, pour l’instant, c’est à partir du 50ème kilomètre), j’entre dans une deuxième phase mentale : la difficulté à laquelle je fais face (et le vent aussi !!!) me plonge dans un état un peu second dans lequel tout le superflu s’efface peu à peu et laisse donc place à des sentiments, des émotions et des pensées plus brutes, plus essentielles. C’est une sensation étrange et pénétrante, si j’ose dire. Comme si le regard s’inversait pour regarder au plus profond de soi-même, dans les méandres où l’on n’ose pas s’aventurer en temps normal. (Je me demande si cela fait ça aussi aux autres…). Durant cette phase, ma pensée se libère peu à peu. Je l’oriente délibérément (ou libérée-ment de fait …) vers le séjour à venir et des esquisses d’idées de plats commencent à se dessiner dans mon esprit. Juste assez vagues pour ne pas avoir le sentiment négatif et angoissant de ne pas être préparée sans être pour autant inflexibles (ce qui serait pour moi au moins tout aussi angoissant) et laisser ainsi place à l’adaptation, l’improvisation et l’imagination. Essentielles selon moi sur de tels séjours. Dans la dernière phase de cette sortie vélo, la difficulté et la douleur sont encore là mais comme en arrière-plan, laissant place à l’euphorie. Je chantonne, me raconte des blagues auxquelles je ris, et finis même par rire sans me raconter de blagues… Peut-être aussi parce que ça y est ; je me sens prête. Prête à vous rencontrer mesdames. Prête à partager avec vous. Prête à donner, à recevoir, à échanger. Prête.

Mais avant cela (car ce sera lundi), viendra le dimanche en fin de journée et la rencontre de l’équipe Siel Bleu. (Je vous passe les étapes de la valise …).

Dimanche, 17h46, la voiture est (bien !) chargée, j’ai fait plusieurs fois le tour de l’atelier puis du coffre de la voiture pour être sûre de n’avoir rien oublié (à ce stade, je ne le suis toujours pas mais il faudra bien démarrer à un moment ou à un autre), je monte donc dans la voiture, démarre, m’apprête à enclencher la première. Non, attendez, il faut que je vérifie que j’ai bien fermé la porte à clé. J’y vais. C’est bon. Allez cette fois en route ! Je vais finir par être en retard ! (Bon, j’ai encore largement une demi-heure de marge devant moi… mais…).

Quatre fois à me demander si j’ai bien fermé la porte à clé, sept fois à ne pas suivre le GPS et une vingtaine de minutes plus tard, me voici arrivée aux Gites du Chênelet à Landrethun-Le-Nord. J’aime particulièrement ce lieu atypique. Pas seulement pour ses valeurs écologiques et solidaires, pas seulement pour son cadre, pas seulement pour ses chocolats, mais aussi parce que je m’y sens vraiment bien. Et surtout, j’y dors très bien (ce qui est plutôt exceptionnel chez moi). La literie est très bonne et il y règne calme et sérénité.

Première rencontre avec l’équipe : deux Fanny et un Julien. Au moins, ça, c’est facile… Il n’aura pas fallu longtemps pour briser la glace. D’ailleurs, réflexion faite, y a-t-il eu de la glace à un moment ? Le Siel est un peu trop bleu pour ça je crois… Répartition de nos chambres respectives, installation, préparation du gîte pour le début du séjour et une première réunion d’équipe dans une atmosphère qui n’annonce que de bons moments à venir.

Après une nuit paisible aux battements de cœur lents et réguliers, me voici prête pour cette nouvelle expérience.

Les participantes arriveront dans la matinée. Nous ferons connaissance puis partagerons le premier déjeuner tous ensemble. Au moment de démarrer la préparation, je ne connais pas encore leurs goûts et leur appétit. Je commence donc doucement avec un riz un peu façon risotto mais en crème végétale de potimarron et quelques morceaux de potimarron rôti. Ne sachant pas si la route les aura affamées, je prévois un peu plus… Enfin, en théorie, en pratique c’était beaucoup plus. Mais je ne m’inquiète pas car je sais que le reste de ce repas n’est autre qu’une très bonne base pour en faire autre chose (peut-être même de mieux d’ailleurs…).

En séjour séjour Siel Bleu Maison de la Vie, j’aime partager avec les participantes cette vision du reste comme une base précieuse pour une nouvelle création. Au-delà des simples aspects anti-gaspi, durable, économique (et même pratique en ce que ça peut être un gain de temps pour le repas suivant), j’aime l’idée et la sensation que ça nous replonge en des temps plus anciens, plus doux, plus ralentis (slow life ?) … par opposition à la frénésie de notre société actuelle qui nous gagne, à la surabondance de quantité et de choix qui peuvent nous faire perdre la valeur des choses, nous conduire à nous lasser très vite, à regarder déjà l’après alors qu’on pourrait apprécier le présent encore un peu plus longtemps en s’y ancrant plus. J’ai comme l’impression que si l’on n’est pas vigilant, on peut facilement se retrouver à dévorer la vie plutôt qu’à la croquer… et quand on mange trop vite c’est bien connu, on ne laisse pas le temps à toutes les saveurs de se révéler, surtout les notes subtiles qui arrivent en fin de bouche, et souvent, on digère moins bien aussi… Ainsi, dans les séjours Maison de La Vie, je vise à proposer, au travers des repas, un retour à plus de lenteur (dans le sens noble du terme), d’ancrage et de sérénité. J’essaie de démontrer qu’il est possible d’obtenir un repas à partir d’un reste, encore meilleur que le précédent, en n’ajoutant que pour cela des ingrédients simples et sans grande préparation. Enfin, j’espère toujours communiquer ma vision de la cuisine comme un terrain de jeux et d’expérimentation, ou en tous cas, un moment où l’on se sent bien, où l’on laisse son imagination et son cœur parler… Quand on a accès à de si beaux et bons produits : comme a dit Fanny (qui répéta ce que lui avait dit Paul) : d’aussi bons légumes, t’as juste à les mettre au four et t’attends … C’est pas faux …

Pour la première entrée, je souhaitais proposer une salade tomates et fraises, mais ne connaissant pas encore les éventuelles limites gustatives de notre communauté, je les ai servies séparément en suggérant de les mélanger. Toute la tablée a joué le jeu. Merci à toutes et à toi Julien. Cela peut paraître anodin mais cela en disait déjà long sur votre belle ouverture d’esprit et m’encourageait à vous emmener dans mon univers.

A chaque repas partagé, ce n’était en fait pas moi qui vous nourrissais, mais vous qui nourrissiez mon cœur, mon esprit, et ma créativité. Vous l’aurez peut-être remarqué, mais plus les repas avançaient, plus il y avait de couleurs dans les assiettes. Ce n’était que la transposition culinaire de ce que vos âmes chatoyantes et lumineuses mettaient dans mon cœur au fur et à mesure que je vous découvrais (et peut-être aussi que vous-mêmes vous vous (re-)découvriez ? quel immense bonheur de vous voir vous illuminer à mesure que la semaine passe, voire éclore…).

Mesdames, merci d’être vous et de l’avoir partagé. Merci pour ce bout de chemin parcouru ensemble. Merci pour les beaux échanges à venir. Merci pour la force que vous me transmettez. Merci de donner du sens à ce que je fais. Et merci pour votre soutien et vos encouragements. J’ai désormais toujours avec moi un peu de vous et j’en suis enrichie.

Merci à Siel Bleu de (leur / me) permettre cela. (Et à ses partenaires). Quelle intensité dans ces séjours !

Merci Fanny & Fanny, et Julien. Après Perrine, Julie et Maryline, voici que je vous compte également parmi les personnes avec qui je suis prête à partir une semaine sans hésiter… (et croyez-moi, vous êtes peu nombreux ! … mais chut hein ce n’est pas très politiquement correct…).

Merci aux Gites du Chênelet pour l’accueil et, par et pour ce que vous êtes, de permettre / contribuer à ce que la magie opère. Merci Sylvie et Emilien, et toutes les équipes.

Et bien sûr merci à tous mes (oui oui « MES ») producteurs géniaux pour tout ce que vous faites. Sans vous, ce que je fais n’aurait pas beaucoup de sens… (d’ailleurs, clairement, sans vous, je ne pourrais pas faire grand-chose !)

À la suite de ce séjour, j’ai reçu des témoignages de participantes très émouvants et encourageant à continuer à œuvrer pour une transition alimentaire.

Cette fois, je n’ai pas écrit une lettre aux participantes mais ce que nous avons convenu ensemble de nommer « Un roman de recettes ».

25 pages qui reprennent les recettes que nous avons réalisées lors du séjour et pendant l’atelier, agrémentées d’anecdotes que nous avons vécues et de quelques conseils simples et pratiques pour le quotidien…

Je ne les insère pas ici mais …

Auteur/autrice

juliehamon972@gmail.com

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